Bien des disputes de couple, bien des brouilles d’amis, naissent de cette illusion : croire que nous voyons le monde de la même façon et que nous pouvons naturellement nous comprendre. De là viennent les procès d’intention : s’il a dit ceci, si elle a fait cela, c’est forcément par malveillance ou mépris à mon égard. La source des malentendus, c’est que nous croyons nous comprendre. Nous imaginons parler le même langage, mais nos idiomes sont truffés de faux amis.

Le récit mystérieux du Livre de la Genèse raconte qu’aux premiers temps, à Babel, Dieu a jeté la confusion dans les langues des hommes pour leur éviter la folie des grandeurs. Ce mythe nous dit quelque chose d’essentiel : une personne, ce n’est pas un clone, la répétition toujours semblable d’une humanité identique ; une personne, c’est un mystère. Et un mystère, ça se respecte et ça se contemple.

Pour autant, le récit ne veut pas dire nous résigner à ne jamais nous comprendre. Il veut nous enseigner qu’il faut de l’écoute et de l’attention pour entrer peu à peu dans le mystère d’une personne. L’Esprit de Pentecôte, qui donnait aux apôtres le pouvoir de prêcher en toutes langues, n’est pas l’effacement de Babel d’un coup de baguette magique, mais bien le courage de commencer un patient dialogue. Petit à petit se construira une grammaire commune. L’Esprit de Pentecôte nous lance à l’aventure de la rencontre des autres cultures, des autres religions, ou de ce mystère qu’est aussi mon voisin, mon conjoint, mes parents. L’Esprit nous met en dialogue. C’est l’autre nom de l’amour fraternel.

Pour mieux connaître le frère Adrien Candiard, regardez cette vidéo sur le site du Jour du Seigneur.

* Illustration : La grande tour de Babel de Pieter Brueghel l'Ancien