Les choses les plus nobles, selon Aristote, sont souvent les moins pratiques. Leur valeur est en elles-mêmes. Il en va de même pour la vie spirituelle : les gens essaient de vivre avec Dieu pour se sentir mieux. Mais sans l’amour de Dieu lui-même, Dieu ne serait pour les gens qu’un instrument dans une idolâtrie élémentaire. Et une idole n’apporte jamais le bonheur.

À Béthanie, le Christ a voulu démontrer cette vérité à Judas indigné par le geste de Marie qui « avait pris une livre de parfum très pur et de très grande valeur »*. Notre réaction la plus courante aux paroles de Judas est l’indignation devant sa mesquinerie. Mais je crains que cela ne soit une manifestation d’hypocrisie de notre part. Mes amis, imaginez un instant que vous vous trouvez dans un ancien monastère pendant les vêpres : voici des moines en robe noire, chantant lentement et délicatement des hymnes et des psaumes dans une langue morte incompréhensible. Ne se pose-t-on pas la question suivante : combien d’hommes jeunes et en bonne santé se perdent et perdent leur temps ? Ne serait-il pas plus utile qu’ils consacrent tout leur temps à collecter des dons et autres aides humanitaires pour les réfugiés ukrainiens en Europe et ceux qui n’ont pas pu partir et sont restés dans la zone de la ligne de front ? Dieu n’a besoin de rien de notre part — ni de nos chants ni d’autres rites. Mais les gens ont besoin de nous — les pauvres et les offensés ! Sans compter qu’ils ont besoin de notre aide dans la lutte pour leur liberté… 

La réponse mystérieuse de Jésus : « Vous avez toujours les pauvres, mais pas toujours moi » devrait faire taire cette rébellion. La liberté que je recherche est-elle aussi pour les pauvres victimes de la guerre, cette liberté — est-elle un outil pour gagner quelque chose de plus ? Ou peut-être est-il devenu une idole pour moi, parce qu’il ne se concentre que sur lui-même ? Et la liberté politique est-elle vraiment quelque chose qui apportera le bonheur aux pauvres, aux personnes lésées, et à moi personnellement ?

Ou peut-être qu’avec cette provocation, Jésus essaie de m’encourager et de vous encourager à quelque chose de plus ? Peut-être essaie-t-il de nous encourager à rechercher quelque chose de plus, à le faire pour les autres et à les aider à le réaliser ?